Philippe Morini " Un devoir de transmission de l'Histoire aux générations futures. "
Drôle
de passion que celle de Philippe Morini. Fasciné par les avions depuis l'enfance, il est devenu… chercheur d'épaves. D'avions évidemment. Et plus particulièrement, ceux de la seconde guerre
mondiale.
INFO : D'où vous vient cette passion pour les épaves d'avions ?
Philippe Morini : Enfant, j'ai assisté à un vol du Concorde pour l'inauguration de l'aéroport Lyon/Satolas, aujourd'hui appelé aéroport Saint-Exupéry. Ça m'a fasciné. Et surtout, je
me demandais bien comment un tel engin pouvait voler. En parallèle, il y a aussi la passion de l'Histoire. Mais le déclencheur, c'est le jour où un copain est venu me voir en me disant qu'il
savait qu'un avion allemand était tombé dans le coin. J'ai pris un détecteur de métaux et j'ai commencé les recherches. Plus tard, j'ai appris que j'étais atteint de sclérose en plaque. Le seul
moyen pour moi de ne pas sombrer a été d'assouvir ma passion à fond. A partir de là, j'ai voulu en savoir plus sur ces morceaux d'avions que je collectionnais. Je suis allé plus loin dans la
démarche.
I. : C'est-à-dire ?
P.M. : J'ai cherché à savoir de quel avion provenaient les pièces, à quoi elles servaient ? De fil en aiguille, on reconstitue la vie entière de l'avion. On arrive à savoir d'où il
est parti, qui pilotait, la compagnie d'appartenance. On peut même connaître les cir-constances du crash. Mais pour y parvenir, c'est un vrai jeu de patience et de minutie, un travail de longue
haleine partagé avec quelques passionnés, notamment les gens qui vont jusqu'à reconstruire l'avion. Et puis, il faut s'intéresser à l'Histoire de la région où se trouve l'épave, fouiller dans les
archives, rencontrer des gens pour recueillir des témoignages, se rendre sur le terrain. C'est aussi une belle aventure humaine.
I. : Avez-vous des exemples d'épaves dans l'Allier ?
P.M. : Un avion allemand s'est crashé sur la commune de Saint Nicolas des Biefs le 9 juillet 1944 à 5 heures 45. C'était un quadrimoteur Fock Wulf 200 C4. Il avait décollé à 4 heures
du matin du camp militaire de Fontenet près de Saint Jean d'Angély en Charente Maritime avec à son bord le pilote, quatre hommes d'équipages et 8 militaires. Il y avait également une cargaison de
pièces de véhicules, de marque Citroën notamment, et quelques caisses de bouteilles de Cognac ! Grâce à mes recherches, j'ai pu retracer toute la vie du pilote. Sinon, je poursuis actuellement
mes recherches concernant un bimoteur allemand, un Junkers 88 qui s'est écrasé le 20 novembre 1943 également à Saint Nicolas des Biefs.
I. : Pourquoi vous intéressez-vous plus particulièrement aux avions allemands ?
P.M. : Tout simplement parce que toutes les recherches concernant les épaves d'avions français ont été faites et toutes les circonstances et autres sont connues. Pour les avions
allemands, il n'y a rien. Les recherches sont d'autant plus compliquées mais elles permettent de donner de l'information qu'il est quasi impossible de trouver ailleurs, notamment dans les livres
d'Histoire ou les musées. Et puis, on constate qu'il y a des erreurs dans les archives allemandes. Souvent les descendants ne connaissent pas la vérité sur la mort de leurs ancêtres. Nos
recherches permettent de rétablir cette vérité, y compris pour les familles.
I. : Vous utilisez Internet pour diffuser les résultats de vos recherches. Parlez-nous-en ?
P.M. : Effectivement, pour les gens que ça intéresse, j'ai créé un blog, http://crashavionallemand39-45.over-blog.com. Il me permet d'échanger avec d'autres passionnés, de faire
avancer mes recherches mais j'y diffuse également des manuels retraçant toute l'histoire des épaves quand j'ai pu la reconstituer. C'est le cas par exemple du crash de Saint Nicolas des Biefs en
1944. Mon blog est bien entendu en constante évolution au fil des rencontres et des découvertes et ils donnent tout ce que nous ne pourrons jamais savoir, en l'occurrence tout ce qui ne figure
pas dans des documents. Pour moi, c'est un devoir de transmission de l'Histoire aux générations futures.
I. : Où cherchez-vous plus précisément des épaves ?
P.M. : Je travaille plus particulièrement en régions Auvergne, Centre et Limousin. Mais ma passion peut m'emmener plus loin !
Entretien Marie Brun